LE CHOMAGE BAISSE OU COMMENT SE MOQUER IMPUNEMENT DES FRANCAIS

LU SUR LE POINT

Jeudi 18 août, l'Insee a publié un taux de chômage en baisse de 0,3 % en trois mois. Le nombre de personnes sans emploi atteint donc, selon cette même source, près de 2,8 millions de personnes, soit 74 000 de moins qu'au premier trimestre 2016.

Un chômage en baisse avec une croissance nulle, est-ce possible ?

On aimerait tant y croire, mais il se trouve que la croissance du deuxième trimestre 2016 a été égale à zéro. Et les créations d'emplois dans le secteur privé sont logiquement en baisse, par rapport aux trimestres précédents (seulement 24 000 contre 40 000 au premier trimestre 2016 et 46000 au dernier trimestre 2015).
À titre de comparaison, au deuxième trimestre 2015, la croissance avait été nulle, tout comme au deuxième trimestre 2016 mais les créations d'emplois dans le privé s'étaient élevées à plus de 28 000. S'agit-il d'un essoufflement ?
Pour le comprendre, il nous faut voir les critères pris en compte par l'Insee qui sont ceux du Bureau international du travail (le BIT), ce qui permet des comparaisons à l'international. Pour qu'un chômeur soit considéré comme tel, il ne doit pas avoir travaillé plus d'une heure durant une semaine de référence, il doit être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours à venir, et avoir été en recherche active d'un emploi dans le mois précédent.
Autrement dit, si une personne travaille seulement 5 heures par semaine, elle n'est pas considérée comme un chômeur aux yeux du BIT. Le fait que ce mini job ne lui permette pas de subvenir à ses besoins et l'oblige à dépendre des aides sociales n'est pas pris en compte.

Des formations pour faire baisser le chômage

Il suffit donc, pour faire baisser le taux de chômage, d'offrir des programmes de formation à des chômeurs, ce qui les rend en principe indisponibles pour prendre rapidement un nouveau travail. De ce fait, les demandeurs d'emploi en formation sortent des statistiques. Il n'est pas étonnant de constater qu'en effet, pendant ce deuxième trimestre 2016, la catégorie D a gonflé de 30 000 inscrits supplémentaires (chômeurs en stage, en formation, en congé maladie, etc.).
Les programmes de formation professionnelle sont tout à fait souhaitables, lorsqu'ils permettent aux demandeurs d'emploi de conserver ou de retrouver leur employabilité. Il s'agit, même en période de pénurie d'emplois, de maintenir leurs capacités à s'adapter aux mutations que nous traversons, car le capital humain est un facteur de prospérité pour notre société. Il faut l'entretenir et éviter aux exclus de sombrer dans le découragement, voire la désespérance. La formation devrait servir à maintenir à niveau les compétences, mais aussi à aider les personnes à élaborer des projets professionnels. Le problème est que ces programmes de formation ne sont que des parkings, destinés à faire baisser les statistiques et non à aider les chômeurs à retrouver un emploi. C'est ainsi qu'une idée, au départ humaniste, peut servir des velléités cyniques et électoralistes. En effet, si nos dirigeants tenaient tant à inverser la courbe du chômage, et s'ils n'avaient dans leur boîte à outils que l'arme de la formation professionnelle, pourquoi avoir attendu les derniers mois du quinquennat pour mettre en œuvre ce programme ?
Les personnes découragées sont de plus en plus nombreuses

Il existe un autre moyen de faire baisser le taux de chômage au sens du BIT, qui consiste à éliminer les personnes qui n'ont pas effectué de démarches actives pour retrouver un travail. C'est ce que l'on appelle le halo du chômage, évalué par l'Insee à 1,5 million de personnes, qui a augmenté ce trimestre de 29 000 et de 43 000 personnes sur un an, ce qui assombrit d'autant une situation que l'on veut nous présenter en rémission.
De fait, le nombre d'inscrits à Pôle emploi n'a que très légèrement baissé au deuxième trimestre (- 5 300) en catégorie A (les demandeurs d'emploi sans aucune activité).
Les embauches et les créations d'emploi ont donc ralenti.
En juin dernier, la production industrielle a diminué de 0,8 % après avoir diminué de 0,5 % en mai. La dégradation régulière se poursuit. Avec une fréquentation touristique en baisse à la suite des attentats, on voit mal quel élément positif pourrait sauver la mise.
Mais il faut que la mariée soit belle !

Il ne s'agit donc que de cosmétique, mais à quel prix ? Car ces mesures qui ont été prises coûtent très cher à l'État français : le Cice, les emplois d'avenir et le plan d'urgence lancé en janvier dernier... Ces mesures sont financées par un endettement toujours croissant de l'État français.
On parle d'inversion de la courbe du chômage et on pavoise. Car on ne s'intéresse qu'à l'image et peu importe si la représentation qu'on donne est éloignée de la réalité. Il faut en effet que la mariée soit belle... Et le public des crédules doit être conquis.
Car ce qui augmente à coup sûr, ce n'est pas l'emploi, c'est le sous-emploi. Alors que le niveau de pauvreté en France est en train de rejoindre celui des pays anglo-saxons, une polémique émerge sur le fait de diffuser un documentaire montrant ceux qui en souffrent. Les bonnes âmes ont peur que les pauvres soient davantage stigmatisés, mais ne le sont-ils pas déjà ?

Distractions

Alors que la construction européenne est en train de se déliter (Brexit, référendum italien, montée des nationalismes) et que l'économie mondiale ralentit, on tente de faire tenir l'édifice par la distraction sur des questions autres, par exemple les problématiques identitaires.
Quand la disette pointe son nez, on trouve des boucs émissaires...
C'est bien commode pour les gouvernants qui n'ont pas de solutions à proposer.
Mais détourner l'attention du public sur d'autres problèmes, cacher les miséreux de ce pays et maquiller les statistiques ne constituent nullement un programme ou une vision politique.